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Peut-on « perdre » un diagnostic d’autisme?

Originally written in English: Losing an Autism Diagnosis

Je suis une femme autiste de presque 60 ans et je suis relativement à l’aise en société, à un tel point que certaines personnes sont étonnées quand elles apprennent que je suis autiste. J’ai passé mon adolescence en institution, parce que personne ne savait quoi faire avec mes « comportements », ni avec moi. Aujourd’hui, je travaille à mon compte : je suis auteure, conférencière, consultante et artiste et je détiens une maîtrise en travail social.

Question : Est-ce que j’ai perdu mon diagnostic d’autisme?

Réponse pragmatique : Oui et non.

Non, il n’est pas possible de « perdre » un diagnostic d’autisme

Officiellement, une fois qu’une personne reçoit un diagnostic, peu importe lequel, ce diagnostic est ajouté à son dossier médical. Les médecins ne peuvent pas reculer pour effacer un diagnostic, ni changer quoi que ce soit à ce qui est déjà inscrit au dossier. En fait, c’est interdit! On ne peut qu’ajouter des renseignements.

Oui, on peut « perdre » un diagnostic d’autisme

Dans la pratique, un diagnostic est établi en faisant correspondre des symptômes observés à une liste de critères diagnostiques particuliers et bien définis. Avec le temps, si les symptômes s’atténuent, les critères utiles au diagnostic peuvent devenir imperceptibles. Pour certains, cette réduction des symptômes observables équivaut à une perte du diagnostic.

Le cerveau autiste

Il est généralement reconnu que le cerveau humain est « malléable » au cours de l’enfance. On sait aussi qu’un diagnostic précoce permet une intervention en bas âge et que les résultats d’une telle intervention précoce peuvent être très positifs pour certains enfants autistes, c’est-à-dire si l’on considère comme positif qu’on obtient de ces enfants autistes qu’ils peuvent se comporter comme des enfants non-autistes. Ce qu’on ignore encore, c’est l’effet de ces changements comportementaux sur le cerveau – le cerveau autiste de l’enfant a-t-il réellement été modifié, est-il devenu un cerveau non-autiste? Selon mes recherches, il n’existe aucune documentation qui en atteste.

Mon vécu

Chaque jour où je dois sortir pour aller dans le monde, des difficultés m’attendent. En fait, la plus grande part de ma vie à ce jour a été employée à résoudre ces difficultés. Mon système sensoriel ne fonctionne pas comme celui d’une personne non-autiste dans sa façon de recevoir, de traiter et d’extraire l’information du monde qui m’entoure. La lumière est aveuglante, les sons sont amplifiés et ma perception du mouvement est souvent accompagnée d’une distorsion. Je suis souvent distraite ou heurtée par une multitude de détails sensoriels que personne d’autre ne remarque, parce que leurs sens ne les captent pas; souvent ils me causent aussi de la douleur.

À l’occasion, je porte des bouchons pour les oreilles ou des lunettes de soleil. La plupart du temps, certaines méthodes d’intégration sensorielle sont également utiles, comme l’utilisation d’une couverture lourde, la massothérapie ou la thérapie de pression intense. Mais la meilleure solution que j’ai trouvée consiste à planifier de fréquentes périodes de repos, c’est-à-dire sans bruit et sans interactions, pour que mon système puisse intégrer le surplus déstabilisant d’expériences sensorielles qui composent mon quotidien. En termes pratiques, quand je passe la soirée à la maison, il est très rare que je regarde la télévision, que j’écoute de la musique ou que je parle au téléphone. Parfois, je prends un médicament qui sert à soulager le mal des transports.

Je suis épuisée à la fin de chaque journée de travail, parce que je dois continuellement faire de grands efforts pour calmer mes réactions aux stimuli sonores, visuels, olfactifs et cinétiques que la plupart des autres personnes ne remarquent pas. Je dois porter une attention particulière aux mimiques sociales conventionnelles, par exemple ne pas oublier de regarder la personne avec qui je converse, surveiller le sens des mots pour savoir lesquels ressortent du « langage professionnel » et quels autres forment du « remplissage social », puis répondre de la façon correspondante. Je fais des efforts en ce sens parce que j’aime pouvoir m’intégrer et parce que, sous de nombreux aspects, ils sont essentiels pour le maintien de mon emploi.

J’ai développé une vraie compétence pour bien doser les périodes de repos, les moyens de protection sensorielle utiles en fonction de l’environnement et les méthodes d’intégration sensorielle nécessaires pour bien gérer mes différentes journées. Avec l’âge, j’arrive à me deviner de mieux en mieux, mais encore maintenant, il m’arrive d’être épuisée à la fin de la journée parce que j’ai tenté de « suivre la parade » (dans ce cas-ci, la parade des non-autistes!)

En m’observant, certains diraient que j’ai perdu mon diagnostic d’autisme, mais c’est simplement parce que j’ai appris à inhiber, quand je suis en public, la plupart des réactions qui me viennent naturellement. Il est rare que j’agite les mains, que je couine, que je gémisse ou que j’émette d’autres « bruits parasites ». Parce que je veux avoir l’occasion de participer à la société, j’ai appris, au fil des ans, à me comporter comme une personne de la majorité neurotypique. C’est un privilège dont je suis bien consciente – en effet, ce ne sont pas tous les autistes qui sont capables d’inhiber leur comportement suffisamment pour être acceptés en société. Cela dit, si je suis capable de m’intégrer, j’en paie le prix chaque jour : après des dizaines d’années de pratique, il m’est aujourd’hui plus facile de maintenir un comportement « acceptable », mais c’est une faculté qui ne me vient toujours pas sans effort.

Considérations futures

Sur le long terme, je crois qu’il est essentiel de revoir et de repenser la façon dont nous mesurons la réussite pour les personnes autistes. Ce débat évoluera sans doute si la science arrive un jour à prouver que le cerveau des enfants autistes, si malléable, peut réellement se transformer en un cerveau non-autiste à l’âge adulte. Mais en attendant, nous devons nous interroger : l’objectif, pour l’autiste, de se fondre à son entourage au point qu’il soit impossible de le différencier de ses pairs est-il vraiment souhaitable, valable ou de quelque façon une mesure de réussite? Et si c’est le cas, pour qui cette mesure de réussite compte-t-elle, au juste?

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RÉFÉRENCES

Endow, J. (2019).  Autistically Thriving: Reading Comprehension, Conversational Engagement, and Living a Self-Determined Life Based on Autistic Neurology. Lancaster, PA: Judy Endow.

Endow, J. (2012). Learning the Hidden Curriculum: The Odyssey of One Autistic Adult. Shawnee Mission, KS: AAPC Publishing.

Endow, J. (2006).  Making Lemonade: Hints for Autism’s Helpers. Cambridge, WI: CBR Press.

Endow, J. (2013).  Painted Words: Aspects of Autism Translated. Cambridge, WI: CBR Press.

Endow, J. (2009).  Paper Words: Discovering and Living With My Autism. Shawnee Mission, KS: AAPC Publishing.

Endow, J. (2009).  Outsmarting Explosive Behavior: A Visual System of Support and Intervention for Individuals With Autism Spectrum Disorders. Shawnee Mission, KS: AAPC Publishing.

Endow, J. (2010).  Practical Solutions for Stabilizing Students With Classic Autism to Be Ready to Learn: Getting to Go. Shawnee Mission, KS: AAPC Publishing.

Myles, B. S., Endow, J., & Mayfield, M. (2013). The Hidden Curriculum of Getting and Keeping a Job: Navigating the Social Landscape of Employment. Shawnee Mission, KS: AAPC Publishing.

Translation/traduction: Marie Lauzon, C. Tran./trad. a. (Canada) marielauzon.com

Losing An Autism Diagnosis
Originally written in English
Judy Endow, MSW

Empathie et droits humains : deux approches à ne pas confondre

Originally written in English: Don’t Mix Up Empathy and Civil Rights

Souvent, dans la communauté de l’autisme, des parents d’enfants autistes n’apprécient pas que des adultes autistes donnent leur opinion au sujet des situations que ces parents vivent avec leurs enfants. Je suis moi-même une adulte autiste et souvent, des parents me demandent de ne pas juger des situations que je n’ai pas moi-même vécues. On me donne régulièrement du « Tu ne peux pas comprendre, tu n’es pas à leur place! » quand je partage, sur les médias sociaux, mes commentaires au sujet de certaines actualités.

Ces actualités que j’aborde sont de nature variée. Parfois, il s’agit du meurtre d’un enfant autiste par ses parents. D’autres fois, mes commentaires portent sur un nouveau « traitement contre l’autisme », par exemple l’ingestion de vers parasites ou l’application de lavements au chlore sous le prétexte d’atténuer ou de guérir les symptômes de l’autisme. Cette semaine, il s’agit de l’ablation chirurgicale des cordes vocales d’un adolescent autiste.

On me dit parfois qu’en raison de mon autisme, je ne suis pas capable d’empathie. Cette croyance erronée à propos de l’autisme a été démentie par la recherche. Nous savons aujourd’hui qu’il en est autrement, mais il semble que cette information n’ait pas encore été diffusée à tous les membres de la communauté de l’autisme.

Les parents qui tergiversent en faisant le lien entre l’empathie et l’approche « Tu ne peux pas comprendre, tu n’es pas à ma place » ont tout à fait raison. Ces deux concepts vont de pair. De se mettre à la place d’une autre personne requiert de l’empathie. Toutefois, dans cette situation, il importe peu que vous croyiez ou non que les autistes soient effectivement capables d’empathie.

Voici pourquoi : le point commun qui relie ces actualités est l’abus des droits humains de personnes autistes. En effet, il semble qu’on ne nous accorde pas les mêmes droits qu’aux autres personnes. On peut le constater encore et encore, semaine après semaine, même si les sujets d’actualité changent.

Je vous propose ici quelques exemples :

  •  Faire ingérer des vers à un enfant dans le but explicite et intentionnel de lui donner des parasites intestinaux sera considéré comme étant de la maltraitance envers n’importe quel enfant, sauf envers un enfant autiste.
  •  Le meurtre de son enfant par un parent est un crime horrible, peu importe l’âge de l’enfant. Que vous soyez pour ou contre la peine de mort, c’est la sentence prévue par la loi pour ce crime dans certains États. Dans d’autres lieux, ce sera une peine d’emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle, ou tout au moins une peine d’incarcération durant de longues années. C’est parce que dans nos sociétés civilisées, on considère que le meurtre est un crime répréhensible… sauf s’il s’agit d’un enfant autiste, auquel cas c’est cet enfant qui porte le blâme pour son propre meurtre, tandis que le parent meurtrier reçoit de la sympathie.
  • Immobiliser un enfant en détresse et lui faire subir intentionnellement des brûlures chimiques en lui administrant un lavement au chlore sera perçu et jugé comme étant de la maltraitance envers n’importe quel enfant, sauf un enfant autiste.

Dans ces trois exemples, ainsi qu’en ce qui concerne l’ablation des cordes vocales d’un adolescent autiste annoncée aux nouvelles dernièrement, l’empathie envers les parents ne devrait aucunement être ce qui nous préoccupe le plus. En effet, si on se met à la place d’un parent dans ces situations, on parle de ressentir de l’empathie pour ce parent. Il est vrai qu’en général, faire preuve d’empathie est un sentiment admirable; cependant, et quelles que soient les circonstances, en aucun cas il n’est utile ou admirable de sympathiser avec un individu qui brime les droits d’un autre être humain.

Comment se sortir de cette confusion? C’est en réalité très simple, et voici quelques pistes pour y arriver :

  1. Si agir d’une certaine façon envers un être humain est considéré comme étant immoral, cette façon d’agir est aussi immorale quand elle vise une personne autiste, car les autistes sont des êtres humains.
  2. Si on considère que d’agir d’une certaine façon envers un être humain est un crime, cette façon d’agir est tout autant criminelle quand elle atteint une personne autiste, car les autistes sont des êtres humains.
  3.  Quand un crime est commis, l’empathie doit nécessairement être dévolue à la victime, que la victime soit autiste ou non. Cette vérité, qui devrait pourtant être tenue pour acquise, doit malheureusement être soulignée.
  4. Il est tout à fait valable de comprendre les difficultés de vie d’une personne qui a commis un crime, mais les droits humains de la victime – même quand la victime est autiste – doivent prévaloir sans ambiguïté sur les difficultés du criminel.
  5. Une personne autiste ne devrait subir un traitement médical, une procédure ou une chirurgie que si ceux-ci sont aussi couramment employés sur des personnes non autistes. Si une procédure est habituellement employée sur les animaux, mais non sur les humains, il est inacceptable de l’employer sur un être humain, qu’il soit autiste ou non. On constate là une autre vérité qui devrait aller de soi, mais qui doit malheureusement être relevée : les autistes ne sont pas des animaux! Ils sont des êtres humains à part entière.

Par exemple, mon ancienne voisine a dû faire faire l’ablation des cordes vocales de son chien pour pouvoir le garder dans son appartement. Même si son enfant faisait beaucoup plus de bruit que son chien, l’ablation des cordes vocales de son enfant n’a jamais été considérée.

Fait important à souligner : il n’est absolument pas pertinent de savoir si cet enfant a reçu un diagnostic d’autisme ou pas.

Cliquez sur le lien ci-dessous pour lire l’article du 27 septembre 2013 (en anglais) dont le titre commence par :

« Doctors at UW Madison have found a way to quiet down autistic children who scream loudly and often… »

Je suppose que le présent article fera l’objet de commentaires sur la nécessité de faire preuve d’empathie envers les parents qui vivent cette situation, car c’est là que le discours social se situe actuellement à propos de ce genre d’actualité et que c’est là que nous en sommes en tant que société. J’espère seulement qu’il y aura aussi quelques commentaires sur les droits humains en ce qui concerne les autistes.

Je sais que dans la société contemporaine, de nombreuses personnes ont de la difficulté à nous percevoir en tant qu’êtres humains à part entière et dotés de tous les droits qui nous reviennent en tant que tels, mais je crois qu’il est essentiel d’y penser et d’en parler si vous souhaitez continuer à faire partie de la conversation, à mesure qu’elle évolue. En effet, l’histoire a démontré que lorsque la masse critique est atteinte en ce qui concerne un groupe de personnes privées de leurs droits et qui réclament l’égalité en tant qu’êtres humains, cette revendication obtient satisfaction, le temps venu.

Le processus est long, mais inévitable. Même si les adultes autistes sont encore le plus souvent ignorés ou ridiculisés, cette masse critique est en voie de devenir une réalité. Un nombre grandissant de nos voix se font entendre, parlant haut et fort contre les atrocités commises envers les nôtres.

Bref, la discussion est entamée. Parlez entre vous de ces sujets controversés. Et sachez que les autistes reviendront encore et encore pour donner leur point de vue sur chacune des actualités qui nous concerne. Ce dialogue est important, et continuera de l’être tant et aussi longtemps que nécessaire.

Bonne semaine!
Judy Endow, M. Serv. soc.

Translation/traduction: Marie Lauzon, C. Tran./trad. a. (Canada) marielauzon.com

Don’t Mix Up Empathy and Civil Rights
Originally written in English
Judy Endow, MSW

BOOKS  BY JUDY ENDOW

Endow, J. (2019).  Autistically Thriving: Reading Comprehension, Conversational Engagement, and Living a Self-Determined Life Based on Autistic Neurology. Lancaster, PA: Judy Endow.

Endow, J. (2012). Learning the Hidden Curriculum: The Odyssey of One Autistic Adult. Shawnee Mission, KS: AAPC Publishing.

Endow, J. (2006).  Making Lemonade: Hints for Autism’s Helpers. Cambridge, WI: CBR Press.

Endow, J. (2013).  Painted Words: Aspects of Autism Translated. Cambridge, WI: CBR Press.

Endow, J. (2009).  Paper Words: Discovering and Living With My Autism. Shawnee Mission, KS: AAPC Publishing.

Endow, J. (2009).  Outsmarting Explosive Behavior: A Visual System of Support and Intervention for Individuals With Autism Spectrum Disorders. Shawnee Mission, KS: AAPC Publishing.

Endow, J. (2010).  Practical Solutions for Stabilizing Students With Classic Autism to Be Ready to Learn: Getting to Go. Shawnee Mission, KS: AAPC Publishing.

Myles, B. S., Endow, J., & Mayfield, M. (2013).  The Hidden Curriculum of Getting and Keeping a Job: Navigating the Social Landscape of Employment. Shawnee Mission, KS: AAPC Publishing.

 

L’autisme est-il un handicap ou une différence?

Originally written in English: Is Autism a Disability or a Difference?

Dans la grande communauté de l’autisme, de nombreuses idées font l’objet de débats polarisés. Comme je suis autiste, ce genre de choix en noir et blanc, où on doit prendre une position bien définie, convient à ma neurologie : je préfère les questions bien tranchées aux zones grises. Mais je crois aussi qu’avec ce genre de question, présentée sous forme de dichotomie, on est induit en erreur et forcé de choisir un camp ou un autre, alors que la vérité est beaucoup plus complexe.

« L’autisme est-il un handicap ou une différence? » est l’une de ces questions. En effet, la façon dont la question est posée donne l’impression qu’une seule de ces deux réponses peut être juste.
L’autisme est une « différence »

De nombreux adultes autistes aimeraient que l’autisme soit reconnu en tant que différence, plutôt qu’en tant que handicap. La plupart de ces personnes sont des adultes qui n’ont pas de difficulté à marcher ou à parler. Nous pouvons sortir de chez nous sans aide. Certains parmi nous avons des enfants. Nous sommes vos amis, vos voisins et vos collègues. Nous paraissons un peu bizarres, mais nous réussissons à nous adapter suffisamment pour obtenir au moins une place dans la société.

Malgré cela, il reste que pour nous, évoluer dans la société présente des défis importants. La surcharge sensorielle et les écarts de traitement neurologique de l’information qu’occasionne notre cerveau, ainsi que nos défis omniprésents de communication et de compréhension des conventions sociales, représentent des différences si importantes que même si nous réussissons à les gérer, nous sommes habituellement épuisés à la fin de la journée.

La plupart du temps, lorsque nous sommes capables de sortir et de fonctionner dans la collectivité (sans recevoir de l’aide par une personne rémunérée), il semble que la société s’attend à ce que notre apparence et notre comportement soient conformes à la norme type, peu importe les défis que nous impose la différence neurologique de l’autisme. Comme nous ressemblons aux autres, nos difficultés et nos besoins sont considérés comme étant des problèmes personnels. Même si nous avons reçu un diagnostic de trouble du spectre autistique, ce qui signifie dans les faits que nous avons des difficultés importantes dans de nombreux domaines, certaines personnes nous accordent de mauvaises intentions et confondent l’expression de nos besoins avec des défauts de personnalité.

L’autisme est un « handicap »

Pour certains d’entre nous, la façon dont l’autisme se manifeste dans notre corps signifie que nous avons de nombreux obstacles à surmonter quotidiennement et tout au long de notre vie. Nous avons besoin d’appareils de soutien à la communication, d’équipement d’ergothérapie et de préposés rémunérés pour subvenir à nos besoins personnels. Pour ceux d’entre nous qui vivent de telles difficultés, il est facile de comprendre que sous cet aspect, l’autisme est un handicap.

Nombre d’entre nous avons besoin d’une personne rémunérée qui nous accompagne pour sortir de la maison ou qui nous aide à communiquer. Certains ont besoin de soutien professionnel 24 heures sur 24. L’autisme se manifeste clairement dans notre corps et il est remarqué par les gens quand ils nous rencontrent. Quand c’est le cas, tous peuvent voir clairement que nous avons besoin d’aide. Quand l’autisme est apparent, il est rare que des gens nous jugent et attribuent nos difficultés à de la paresse, à un manque de motivation, à de l’égocentrisme ou à tout autre trait de personnalité négatif.

Mais quand l’autisme est apparent par ses manifestations physiques et par les besoins de soutien correspondants, les gens tirent aussi d’autres conclusions à notre sujet. Nos besoins sont si évidents que les autres oublient que nous avons aussi des forces et des capacités, des préférences et des aversions. Souvent, en tant qu’adultes, nous sommes employés pour faire des travaux de bas étage, voire jugés incapables de travailler, et les personnes engagées pour nous fournir des services de soutien changent régulièrement, comme si ces personnes étaient interchangeables et que les relations interpersonnelles n’avaient aucune valeur pour nous. Nous sommes rarement perçus comme étant des personnes à part entière avec tout ce que cela sous-entend, c’est-à-dire des préférences, des désirs, des habiletés, des capacités et des talents, car le temps et l’énergie de ceux qui nous aident se concentrent sur les besoins et les déficits dictés par notre handicap.

Le piège du choix entre le handicap et la différence

En tant que personne autiste, lorsqu’on me demande de choisir une seule réponse à ce que représente l’autisme – soit un « handicap », soit une « différence » – j’ai la nette impression qu’on me demande quelle partie de moi-même je choisis d’ignorer. Si je choisis de désigner l’autisme comme étant un « handicap » pour moi, cela signifie qu’on ignorera mes talents, mes forces, mes capacités et mes préférences. Si je désigne l’autisme comme étant une « différence », alors mes difficultés et mes besoins, pourtant bien réels, seront ignorés. Je serai régulièrement accusée d’être têtue et de ne pas vouloir abandonner des « défauts de caractère » quand j’insisterai pour les faire valoir.

Oser la voie du milieu : à la fois un handicap et une différence

Qu’arriverait-il si on choisissait de désigner l’autisme comme étant à la fois un handicap et une différence? Serions-nous ignorés complètement, ou encore soutenus parfaitement? Voici encore une question posée selon un modèle dichotomique, et qui exige de faire un choix impossible!

C’est dire que lorsqu’on se demande si on doit désigner l’autisme comme étant un handicap ou une différence, on se force à faire un choix qui n’en est pas un. Ce choix n’est avantageux pour personne et donne clairement de mauvais résultats. Et pourtant, on reste avec cette impression qu’il faut choisir entre « handicap » et « différence ». Pourquoi donc? 

original

Illustration : Toile intitulée Lake Tail Mist
Reproductions offertes en ensembles de cinq cartes de souhaits
et en impressions acrylique en trois formats
sur la page Art Store du site www.judyendow.com

RÉFÉRENCE

Endow, J. (2019).  Autistically Thriving: Reading Comprehension, Conversational Engagement, and Living a Self-Determined Life Based on Autistic Neurology. Lancaster, PA: Judy Endow.

Endow, J. (2012). Learning the Hidden Curriculum: The Odyssey of One Autistic Adult. Shawnee Mission, KS: AAPC Publishing.

Endow, J. (2006).  Making Lemonade: Hints for Autism’s Helpers. Cambridge, WI: CBR Press.

Endow, J. (2013).  Painted Words: Aspects of Autism Translated. Cambridge, WI: CBR Press.

Endow, J. (2009).  Paper Words: Discovering and Living With My Autism. Shawnee Mission, KS: AAPC Publishing.

Endow, J. (2009).  Outsmarting Explosive Behavior: A Visual System of Support and Intervention for Individuals With Autism Spectrum Disorders. Shawnee Mission, KS: AAPC Publishing.

Endow, J. (2010).  Practical Solutions for Stabilizing Students With Classic Autism to Be Ready to Learn: Getting to Go. Shawnee Mission, KS: AAPC Publishing.

Myles, B. S., Endow, J., & Mayfield, M. (2013).  The Hidden Curriculum of Getting and Keeping a Job: Navigating the Social Landscape of Employment. Shawnee Mission, KS: AAPC Publishing.

Translation/traduction: Marie Lauzon, C. Tran./trad. a. (Canada) marielauzon.com

 Is Autism a Disability or a Difference?
Originally written in English
Judy Endow, MSW