L’autisme est-il un handicap ou une différence?

Originally written in English: Is Autism a Disability or a Difference?

Dans la grande communauté de l’autisme, de nombreuses idées font l’objet de débats polarisés. Comme je suis autiste, ce genre de choix en noir et blanc, où on doit prendre une position bien définie, convient à ma neurologie : je préfère les questions bien tranchées aux zones grises. Mais je crois aussi qu’avec ce genre de question, présentée sous forme de dichotomie, on est induit en erreur et forcé de choisir un camp ou un autre, alors que la vérité est beaucoup plus complexe.

« L’autisme est-il un handicap ou une différence? » est l’une de ces questions. En effet, la façon dont la question est posée donne l’impression qu’une seule de ces deux réponses peut être juste.
L’autisme est une « différence »

De nombreux adultes autistes aimeraient que l’autisme soit reconnu en tant que différence, plutôt qu’en tant que handicap. La plupart de ces personnes sont des adultes qui n’ont pas de difficulté à marcher ou à parler. Nous pouvons sortir de chez nous sans aide. Certains parmi nous avons des enfants. Nous sommes vos amis, vos voisins et vos collègues. Nous paraissons un peu bizarres, mais nous réussissons à nous adapter suffisamment pour obtenir au moins une place dans la société.

Malgré cela, il reste que pour nous, évoluer dans la société présente des défis importants. La surcharge sensorielle et les écarts de traitement neurologique de l’information qu’occasionne notre cerveau, ainsi que nos défis omniprésents de communication et de compréhension des conventions sociales, représentent des différences si importantes que même si nous réussissons à les gérer, nous sommes habituellement épuisés à la fin de la journée.

La plupart du temps, lorsque nous sommes capables de sortir et de fonctionner dans la collectivité (sans recevoir de l’aide par une personne rémunérée), il semble que la société s’attend à ce que notre apparence et notre comportement soient conformes à la norme type, peu importe les défis que nous impose la différence neurologique de l’autisme. Comme nous ressemblons aux autres, nos difficultés et nos besoins sont considérés comme étant des problèmes personnels. Même si nous avons reçu un diagnostic de trouble du spectre autistique, ce qui signifie dans les faits que nous avons des difficultés importantes dans de nombreux domaines, certaines personnes nous accordent de mauvaises intentions et confondent l’expression de nos besoins avec des défauts de personnalité.

L’autisme est un « handicap »

Pour certains d’entre nous, la façon dont l’autisme se manifeste dans notre corps signifie que nous avons de nombreux obstacles à surmonter quotidiennement et tout au long de notre vie. Nous avons besoin d’appareils de soutien à la communication, d’équipement d’ergothérapie et de préposés rémunérés pour subvenir à nos besoins personnels. Pour ceux d’entre nous qui vivent de telles difficultés, il est facile de comprendre que sous cet aspect, l’autisme est un handicap.

Nombre d’entre nous avons besoin d’une personne rémunérée qui nous accompagne pour sortir de la maison ou qui nous aide à communiquer. Certains ont besoin de soutien professionnel 24 heures sur 24. L’autisme se manifeste clairement dans notre corps et il est remarqué par les gens quand ils nous rencontrent. Quand c’est le cas, tous peuvent voir clairement que nous avons besoin d’aide. Quand l’autisme est apparent, il est rare que des gens nous jugent et attribuent nos difficultés à de la paresse, à un manque de motivation, à de l’égocentrisme ou à tout autre trait de personnalité négatif.

Mais quand l’autisme est apparent par ses manifestations physiques et par les besoins de soutien correspondants, les gens tirent aussi d’autres conclusions à notre sujet. Nos besoins sont si évidents que les autres oublient que nous avons aussi des forces et des capacités, des préférences et des aversions. Souvent, en tant qu’adultes, nous sommes employés pour faire des travaux de bas étage, voire jugés incapables de travailler, et les personnes engagées pour nous fournir des services de soutien changent régulièrement, comme si ces personnes étaient interchangeables et que les relations interpersonnelles n’avaient aucune valeur pour nous. Nous sommes rarement perçus comme étant des personnes à part entière avec tout ce que cela sous-entend, c’est-à-dire des préférences, des désirs, des habiletés, des capacités et des talents, car le temps et l’énergie de ceux qui nous aident se concentrent sur les besoins et les déficits dictés par notre handicap.

Le piège du choix entre le handicap et la différence

En tant que personne autiste, lorsqu’on me demande de choisir une seule réponse à ce que représente l’autisme – soit un « handicap », soit une « différence » – j’ai la nette impression qu’on me demande quelle partie de moi-même je choisis d’ignorer. Si je choisis de désigner l’autisme comme étant un « handicap » pour moi, cela signifie qu’on ignorera mes talents, mes forces, mes capacités et mes préférences. Si je désigne l’autisme comme étant une « différence », alors mes difficultés et mes besoins, pourtant bien réels, seront ignorés. Je serai régulièrement accusée d’être têtue et de ne pas vouloir abandonner des « défauts de caractère » quand j’insisterai pour les faire valoir.

Oser la voie du milieu : à la fois un handicap et une différence

Qu’arriverait-il si on choisissait de désigner l’autisme comme étant à la fois un handicap et une différence? Serions-nous ignorés complètement, ou encore soutenus parfaitement? Voici encore une question posée selon un modèle dichotomique, et qui exige de faire un choix impossible!

C’est dire que lorsqu’on se demande si on doit désigner l’autisme comme étant un handicap ou une différence, on se force à faire un choix qui n’en est pas un. Ce choix n’est avantageux pour personne et donne clairement de mauvais résultats. Et pourtant, on reste avec cette impression qu’il faut choisir entre « handicap » et « différence ». Pourquoi donc? 

original

Illustration : Toile intitulée Lake Tail Mist
Reproductions offertes en ensembles de cinq cartes de souhaits
et en impressions acrylique en trois formats
sur la page Art Store du site www.judyendow.com

RÉFÉRENCE

Endow, J. (2019).  Autistically Thriving: Reading Comprehension, Conversational Engagement, and Living a Self-Determined Life Based on Autistic Neurology. Lancaster, PA: Judy Endow.

Endow, J. (2012). Learning the Hidden Curriculum: The Odyssey of One Autistic Adult. Shawnee Mission, KS: AAPC Publishing.

Endow, J. (2006).  Making Lemonade: Hints for Autism’s Helpers. Cambridge, WI: CBR Press.

Endow, J. (2013).  Painted Words: Aspects of Autism Translated. Cambridge, WI: CBR Press.

Endow, J. (2009).  Paper Words: Discovering and Living With My Autism. Shawnee Mission, KS: AAPC Publishing.

Endow, J. (2009).  Outsmarting Explosive Behavior: A Visual System of Support and Intervention for Individuals With Autism Spectrum Disorders. Shawnee Mission, KS: AAPC Publishing.

Endow, J. (2010).  Practical Solutions for Stabilizing Students With Classic Autism to Be Ready to Learn: Getting to Go. Shawnee Mission, KS: AAPC Publishing.

Myles, B. S., Endow, J., & Mayfield, M. (2013).  The Hidden Curriculum of Getting and Keeping a Job: Navigating the Social Landscape of Employment. Shawnee Mission, KS: AAPC Publishing.

Translation/traduction: Marie Lauzon, C. Tran./trad. a. (Canada) marielauzon.com

 Is Autism a Disability or a Difference?
Originally written in English
Judy Endow, MSW